Affaire DJOMO : Les internautes divisent le débat Média privée /Média public.
- Définition des mots clés
Affaire Djomo : VictoireStéphanie Djomo Yepmo (de son nom complet) est cette dame qui a été invitée sur un plateau d’Equinoxe TV, une chaine de télévision à capitaux privés, pour parler de la tragédie qu’elle a vécue dans la région du Sud-ouest du Cameroun, du fait de la crise anglophone en cours.Cette sortie a été suivie d’un reportage à décharge sur la chaine de télévision nationale Cameroon Radio and Television (CRTV) et des sorties tant du côté du gouvernement que des Ong, des internautes et autres acteurs. L’« Affaire » Djomo est ainsi née.
Internautes : désigne une personne qui utilise Internet, quelqu’un qui va sur le web, que ce soit de manière régulière ou occasionnelle. Source : www.linternaute.fr
Diviser : Partager un tout en plusieurs parties distinctes. Synonymes : séparer, partager, découper, fractionner. Source : www.linternaute.fr
Débat : Action de débattre ; discussion généralement animée entre interlocuteurs exposant souvent des idées opposées sur un sujet donné. Source : www.cnrtl.fr
Média privé : Média à capitaux privés(exemple de média audio-visuel privé : Equinoxe Tv).
Média public : Média à capitaux publics (Exemple de média audio-visuel public : CRTV).
- Les faits en guise d’introduction
En date du mardi 03 novembre 2020, Stéphanie Djomo est invitée sur la chaîne de télévision à capitaux privés camerounaise Equinoxe Tv. Elle est l’une des panélistes de l’émission « Parole de Femmes » présentée par Esther Mael. Le thème de l’émission ce jour porte sur « Kumba 8 jours après : Quel souvenir ? ». Le programme intervient au lendemain de la journée de deuil national décrétée le 31 octobre après le massacre survenu dans une salle de classe à Kumba, dans la région du Sud-ouest en proie à la crise dite anglophone. Une attaque d’hommes armés le samedi 24 octobre 2020 qui a fait sept morts et douze blessés parmi les élèves.
Stéphanie Djomo et d’autres dames (Marie Ebogo, Berthe Bouem, Elise Fodjo, Queen Douala… ) sur le plateau de Parole de femmes sont venues pour « partager leur histoire, leur souffrance, leur amertume et surtout passer leur message à tous les téléspectateurs d’Equinoxe et le monde entier qui nous regarde ce soir à travers les réseaux sociaux (…) et devant votre petit écran », a indiqué Esther Mael à l’entame du programme.
Dans son récit émouvant, dame Djomo a dit avoir perdu ses deux filles, des jumelles, à Kumba, lors de cette crise qui secoue le Noso (1). L’émission a été plusieurs fois entrecoupée par des pleurs des panélistes.
Quelques jours après la diffusion de ce programme, Stéphanie Djomo est interpellée le 08 novembre et placée en détention. Puis, elle fait un contre témoignage sur la CRTV, où elle affirme faire partie d’un groupe de pleureuses et qu’elle a menti sur Equinoxe. Le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, adresse une mise en demeure (https://agencecamerounpresse.com/politique/institutionnel/affaire-st%C3%A9phanie-djomo-le-ren%C3%A9-sadi-demande-la-suspension-des-%C3%A9missions-d%E2%80%99equinoxe-tv.html) à Equinoxe Tv. Par voie de communiqué à l’attention du gouvernement le 10 novembre et de la CRTV le 19 novembre 2020, Sévérin Tchounkeu, le Pdg du groupe La Nouvelle Expression, s’est indigné contre ce qu’il qualifie d’allégations et a rappelé que ses journalistes sont restés professionnels. Une rixe médiatique entre Equinoxe Tv et la chaîne nationale CRTV qui s’est amplifiée sur la toile, où les internautes ont animé les débats pendant plus d’un mois.
- Corpus : Une « guerre » ouverte sur les réseaux sociaux
En deux mois, l’émission « Parole de femmes » avec Stéphanie Djomo postée sur la page Youtube d’Equinoxe Tv le 04 novembre 2020 a enregistré 23 060 vues et 107 commentaires. (Statistique du 18/01/2020).
Le débat qui nait entre les deux chaînes de télévision s’amplifie sur les réseaux sociaux. Les internautes y prennent part. Une prise de position qui s’apparente à une « guerre » ouverte entre les deux médias. Une guerre qui passe visiblement par des prises de position ou des attaques entre les deux médias, des attaques ciblées contre l’un ou l’autre média ou le gouvernement; mais aussi par le dénigrement de Stéphanie Djomo à travers images, sentences et discours de haine. Les internautes étant à chaque fois au centre des débats.
Des attaques contre Equinoxe Tv et CRTV
Après son passage sur la chaine Equinoxe Télévision et son interpellation, la CRTV a produit un programme (https://youtu.be/T-P0HoMMwCY) le 19 novembre 2020, dans lequel Stéphanie Djomo se contredit et avoue avoir fait un faux témoignage lors de sa première sortie sur la chaine privée. Il s’en suit plusieurs droits de réponse et reportages sur cette affaire, dans les deux chaines de télévision qui clament chacune avoir la vérité de son côté. Une affaire qui a été particulièrement suivie sur la toile, où elle a connu des rebondissements.
Les internautes ont vite fait de prendre position pour l’un ou l’autre média. Pour plusieurs médias en ligne, à l’instar de agencecamerounpresse.com, on est ainsi parti « De l’affaire Stéphanie Djomo à un affrontement entre Equinoxe Tv et la Crtv ». Des internautes et d’autres médias en ligne ont ainsi marqué ouvertement leur position sur les Réseaux sociaux dans cette « rixe médiatique » autour de l’affaire qui a pris des allures d’un match de Champion’s Leagues. Illustration faite dans ce tweet.
Les internautes ont parfois manifesté leur choix à travers des expressions qui rappellent le slogan du média défendu. Ils n’ont pas manqué au passage, dans leurs argumentaire, de s’en prendre au « concurrent » avec des termes qui côtoient l’insulte. (menteur international, allié au gouvernement criminel, vrai Dieu du mensonge, la chaine ci m’a toujours énervé …). D’autres acteurs en ligne ont saisi l’occasion et leur position pour dire ce qu’ils ont toujours penséet leurs réserves (bien avant cette affaire) par rapport à l’une au l’autre chaîne.
Ainsi, Atangana Manda du parti au pouvoir, le Rdpc, par exemple a « peint en noir » la chaine de télévision privée lors d’une sortie médiatique. Tandis que Maximilienne Ngo Mbe, pour sa part, défenseuse des droits humains, a clairement tranché en faveur d’Equinoxe Tv. «Stéphanie Djomo a dit la vérité sur Equinoxe Tv. Un point un trait », a indiqué la directrice exécutive de l’Ong Redhac (2) lors d’une sortie.Une citation reprise par plusieurs internautes comme pour marquer leur approbation. Il a été en outre relevé dans les débats qu’il était attendu d’Equinoxe Tv, au-delà des éléments diffusés, d’effectuer d’autres reportages dans le quartier où résidait dame Djomo dans le Noso, impliquant ses anciens voisins ; de réaliser des interviews des personnes qui l’ont accueillie à Mbanga ou en dire plus sur les jumeaux décédés, entre autres, afin d’écarter toute suspicion de manipulation.
Discours de haine et Mrc
Mais le débat ne s’est pas limité à l’alignement derrière un média ou un autre. Les discours de haine (3) se sont invités dans les échanges. Si pour certains la CRTV a tout simplement rétabli la vérité, dans des messages d’appel à la libération de dame Djomo, d’autres internautes se sont opposés ouvertement au gouvernement en place, l’accusant d’avoir interpellé la mise en cause à cause de son patronyme et donc son appartenance à l’ethnie Bamiléké(région de l’Ouest). Mieux, elle serait payée par une Ong ou instrumentalisée par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), le parti politique de l’opposition dirigé par Maurice Kamto.La thèse d’une théorie du complot de l’Etat contre Equinoxe et le Mrc a aussitôt surgi et a abondamment circulé en ligne.
https://web.facebook.com/plusdinfos/posts/2815531092059096
Stéphanie Djomo dénigrée, sa famille exposée
Vrai ou faux témoignage sur l’une ou l’autre chaine de télévision, des sentences ont été données avant que la justice camerounaise n’aille au bout de ses investigations. L’image de dame Djomo a aussi pris un coup et sa vie privée a été exposée sur les réseaux sociaux. Sa photo a été utilisée à chaque fois sous différents posts. Une photo d’elle en méforme a d’ailleurs longuement été partagée sur la toile. Dans une note d’information soumise à l’attention de la communauté internationale sortie, l’Ong Mandela Center a fait savoir que les quatre enfants de dame Djomo ont également payé le prix. https://actucameroun.com/2020/11/19/affaire-stephanie-djomo-une-ong-denonce/). Un document relayé sur les Réseaux sociaux, Twitter notamment. Les proches de Stéphanie Djomo, sous le coup de « harcèlement médiatique » ont dû gardé le silence (https://www.camer.be/83770/11:1/cameroun-silence-radio-dans-la-famille-de-stephanie-djomo-cameroon.html). Toute chose qui n’a pas empêché des supputations en ligne comme cet internaute (https://twitter.com/MichelAssene/status/1331478668204503042) qui a vite fait de dire que l’activiste André Blaise Essama est le père des filles de dame Djomo, sur la seule base d’une photo de l’activiste avec les concernées postée sur Facebook.
- Conclusion
Bien au-delà de l’affaire Stéphanie Djomo convoquée à la police pour investigations, les internautes camerounais n’auront pas attendu le verdict final de la justice. Sur la toile, ils ont ouvert le procès de Djomo, mais aussi le procès de vérité entre Equinoxe Tv et CRTV. Si pour les uns la CRTV et le gouvernement ont rétabli la vérité dans ce qui semblait être pour eux une tentative de manipulation de l’opinion publique, pour d’autres, Equinoxe Tv, « la chaine du peuple » paie le prix de son professionnalisme. Entre prise de position partisane et insultes, des discours de haine se sont invités au débat. Le gouvernement camerounais qui a demandé l’interpellation de dame Djomo ou qui a servi une mise en demeure à Equinoxe Tv à travers une sortie du ministre de la Communication, a aussi été convoqué dans les échanges. Une théorie du complot a d’ailleurs été soulevée. Mais au final, dame Djomo ressort avec une image écorchée et une dignité froissée à travers les réseaux sociaux, dans une affaire où la justice n’avait pas encore prononcée de verdict.
- Lexique
Noso : expression utilisée pour parler des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun secouées depuis 2016 par la crise dite anglophone.
Redhac : Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale
Discours de haine : Le discours de haine recouvre de nombreuses formes d’expression qui propagent, encouragent, promeuvent ou justifient la haine, la violence ou la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes pour diverses raisons. Il menace gravement la cohésion de la société démocratique, la protection des droits de l’homme et l’État de droit. Si rien n’est fait pour y remédier, il peut déboucher sur des actes de violence et sur des conflitsà plus grande échelle. En ce sens, le discours de haine est une forme extrême d’intolérance qui alimente le crime de haine. Source : www.coe.int
Mathias Mouendé Ngamo
Travaux réalisés dans le cadre de l’#AFFCameroon avec le soutien de #defyhatenow